Un adolescent est assis, de dos, et se prend la tête entre les mains.

Les adolescents SEDh/HSD ont une sensibilité accrue à la douleur.

CategoriesSymptômes / Etudes

Le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile (SEDh) et les troubles du spectre de l’hypermobilité (HSD) sont deux troubles du tissu conjonctif qui se chevauchent, entraînant tous deux des symptômes tels que les troubles proprioceptifs, les subluxations/luxations articulaires, la fatigue, la dysautonomie, les troubles gastro-intestinaux et la douleur chronique.

La sensibilisation centrale au coeur de la douleur ?

Chez les adolescents SEDh/HSD, la douleur est le principal motif de consultation.
Ils peuvent présenter des douleurs nociceptives, des douleurs neuropathiques et également des douleurs nociplastiques (cf nos explications synthétiques ici).
Ces douleurs nociplastiques sont dues à un dysfonctionnement des systèmes de contrôle de la douleur. Ces dernières, dont fait partie la fibromyalgie, découlent d’une altération de la nociception, sans stimulation des nocicepteurs périphériques ni atteinte nerveuse, mais les mécanismes à l’origine de ce type de douleurs sont encore très mal connus.

La sensibilisation centrale a déjà été proposée comme une explication plausible des symptômes cliniques tels que la douleur généralisée, la fatigue, les troubles de l’humeur et les troubles du sommeil observés chez les patients atteints de SEDh/HSD. Des signes de sensibilisation centrale ont également déjà été décrits chez les adolescents et les adultes atteints de SEDh/HSD dans certaines études. Il est émis l’hypothèse que la sensibilisation centrale pourrait être l’un des principaux mécanismes sous-jacents de la douleur nociplastique.

Dans une population en bonne santé, l’activité physique a un effet inhibiteur sur la douleur, également connu sous le nom d’hypoalgésie induite par l’exercice (HIE), notamment après un exercice d’intensité plus élevée. Chez les personnes en bonne santé, une seule séance d’entraînement peut avoir un effet hypoalgésique. Cependant, chez les personnes souffrant de douleur chronique, cet effet hypoalgésique peut ne pas se produire, se manifestant plutôt par une sensibilité inchangée ou accrue à la douleur après une activité physique.
Une inhibition dysfonctionnelle de la douleur après l’exercice peut être un signe de sensibilisation centrale. Il serait donc utile de savoir si l’HIE est altérée chez les adolescents atteints de SEDh/HSD.

L’étude

C’est le sujet d’une étude menée de novembre 2022 à août 2023 par une équipe de chercheurs suédois.
« Exploring signs of central sensitization in adolescents with hypermobility Spectrum disorder or hypermobile Ehlers‐Danlos syndrome », a été publiée dans l’European Journal of Pain en novembre 2024. Les chercheurs ont étudié les signes associés à la sensibilisation centrale chez les adolescents atteints de SEDh ou de HSD, ainsi que leurs niveaux de fatigue.

Dans cette étude ont été analysés 37 adolescents atteints de SEDh ou de HSD en Suède et 47 volontaires sains âgés de 13 à 17 ans. Les adolescents atteints de SEDh ou de HSD étaient plus âgés que le groupe témoin (âge médian de 16,4 ans contre 15,3 ans).

La procédure

  • Un premier évaluateur (physiothérapeute) recueillait les données démographiques et les scores de douleur le jour de l’évaluation.
  • Un deuxième évaluateur (médecin) procédait à un examen médical selon les critères diagnostiques du SEDh de New-York 2017.
  • Un troisième évaluateur (physiothérapeute) a instruit les participants sur les procédures de mesure et a marqué des points pour les tests de seuil de douleur à la pression (PPT) qui ont été répétés trois fois sur chaque site.
    L’hyperalgésie de pression a été évaluée à l’aide de PPT mesurés à l’aide d’un algomètre de pression numérique portatif du côté dominant au niveau des muscle trapèze, muscle deltoïde,  muscle tibial antérieur, et muscles paravertébraux du bas du dos. Les participants ont été invités à dire « stop » dès que la pression fournie par l’algomètre était douloureuse. La valeur de pression a été alors notée. Cette procédure a été répétée trois fois sur chaque site avec un intervalle de 30 secondes entre les mesures. Le PPT a été calculé comme la moyenne des deux dernières valeurs.
  • Par la suite, les participants ont effectué un test de cyclisme avec douleur autodéclarée, mesures expérimentales de la douleur (dont le PPT sur les 4 mêmes sites, à 3 reprises) et épuisement enregistré immédiatement après l’exercice.
  • Enfin, les participants ont rempli des questionnaires.

 

Les résultats

La douleur avant

Le premier évaluateur a présenté à chaque participant un dessin de corps entier de face et de dos. Les participants ont marqué les zones de douleur et ont indiqué la fréquence de la douleur comme toujours, parfois ou rarement, au cours de la semaine précédente et au jour de l’évaluation.

La plupart des adolescents du groupe témoin n’ont ressenti aucune douleur (75 %) ou seulement une douleur locale (25 %), tandis que la plupart des adolescents atteints de SEDh/HSD (82 %) ont indiqué une douleur : 22 % dans plusieurs régions du corps et 60 % une douleur généralisée. L’intensité de la douleur au cours de la semaine précédente était significativement plus élevée dans le groupe SEDh/HSD.

La sensibilité à la douleur

Une pression a été appliquée sur quatre groupes musculaires du haut et du bas du dos, des jambes et des épaules jusqu’à ce que la douleur devienne présente. Les adolescents atteints de SEDh/HSD ont signalé une tolérance à la douleur plus faible dans tous les muscles testés par rapport au groupe témoin.

La douleur après l’exercice a été évaluée à l’aide d’un ergomètre à vélo. Les participants ont pédalé à un rythme régulier, avec une résistance (effort) augmentant toutes les minutes, jusqu’à atteindre un niveau d’effort intense.
Dans les deux groupes, la sensibilité à la douleur a diminué après l’exercice. Plus précisément, les patients SEDh/HSD présentaient un seuil de douleur plus élevé dans le muscle de la jambe (tibial antérieur), tandis que le groupe témoin présentait une tolérance plus élevée à la douleur dans les muscles de la jambe et du haut du dos (trapèze).

Cela signifie que :

  • l’exercice a un effet positif localement sous la forme d’une augmentation du PPT directement après l’exercice pour les patients SEDh/HSD ;
  • l’exercice n’a pas stimulé l’hypoalgésie induite par l’exercice (HIE) dans le groupe musculaire éloigné (c’est-à-dire le groupe musculaire non sollicité par l’exercice) dans le groupe SEDh/HSD, contrairement au groupe témoin.

Après l’exercice, la sensibilité à la douleur dans la jambe était plus élevée chez les patients SEDh/HSD que chez les témoins. Une différence plus faible, mais toujours statistiquement significative, a été constatée dans le haut du dos.

Les conclusions

Les chercheurs ont constaté que les adolescents atteints de SEDh/HSD étaient plus sensibles à la pression sur les quatre groupes musculaires mesurés, indiquant une hyperalgésie de pression généralisée, qui pourrait indiquer une sensibilisation centrale.

L’étude des questionnaires a montré que le groupe SEDh/HSD rapportait une expérience de fatigue significativement plus importante que le groupe témoin dans les trois domaines examinés : fatigue générale, fatigue liée au sommeil/au repos et fatigue cognitive. Le groupe SEDh/HSD présentait également des scores significativement plus élevés en termes de pensées catastrophiques sur la douleur, d’anxiété et de dépression par rapport au groupe témoin.
Les chercheurs indiquent que les résultats suggèrent une sensibilisation cognitive et émotionnelle potentielle chez les patients SEDh/HSD et que « ce phénomène peut être à l’origine d’une sensibilité accrue à la douleur et d’une réduction de l’HIE », les facteurs cognitivo-émotionnels pouvant influencer la sensibilité à la douleur chez les adolescents atteints de SEDh/HSD.

L’article conclut sur la nécessité de prendre en compte ces spécificités lors de l’établissement d’un plan de traitement :

  • L’effet inhibiteur de la douleur de l’activité physique peut être altéré chez les personnes atteintes de SEDh/HSD, ce qui peut entraîner une augmentation de la douleur après l’exercice.
  • Une sensibilité accrue à la pression doit être prise en compte lors des examens et des traitements manuels.
  • Une sensibilité accrue à la douleur généralisée et un effet inhibiteur réduit de l’exercice peuvent tous deux indiquer des changements dans la facilitation centrale de la douleur, ce qui pourrait indiquer la présence d’une sensibilisation centrale.
  • Les cliniciens doivent donc tenir compte des facteurs biopsychosociaux et du rôle des mécanismes centraux de la douleur au-delà des muscles et des articulations : la douleur ne doit pas être considérée uniquement comme causée par des impulsions périphériques.

 

Source
Schubert-Hjalmarsson E, Fasth A, Ickmans K, Söderpalm AC, Lundberg M. Exploring signs of central sensitization in adolescents with hypermobility Spectrum disorder or hypermobile Ehlers-Danlos syndrome. Eur J Pain. 2025 Jan;29(1):e4754. doi: 10.1002/ejp.4754. Epub 2024 Nov 11. PMID: 39529262; PMCID: PMC11609890.

 

 

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Comments

2

  • Bonjour,
    Quelles sont les symptômes en rappport scolarité, occasionné chez les adolescents

    Répondre
    • Marie-Elise NOËL

      Bonjour. Les symptômes dépendent de chacun : douleurs, blessures, fatigue, intolérance orthostatique, dysautonomie…

      Répondre

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