Dénonciation d’un système maltraitant

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Nous dénonçons !

Nous dénonçons la publication d’un protocole national de soin excluant et délétère pour 80% des patients atteints du Syndrome d’Ehlers Danlos Hypermobile.
Nous dénonçons un parcours diagnostique maltraitant.

En juin dernier, le Protocole National de Diagnostic et de Soin (PNDS) des syndromes d’Ehlers Danlos non vasculaires (SEDnv) a été publié par la haute autorité de santé. Il a été élaboré par la filière maladie rare OSCAR en partenariat avec la caisse primaire d’assurance maladie et trois sociétés savantes. Ce protocole de soin était attendu de longue date par les patientes et les patients atteints de cette maladie handicapante : ils espéraient une meilleure prise en soin et la mise à disposition de traitements conseillés par le consortium international ainsi qu’une meilleure information des soignants sur cette pathologie. Ces patientes (plus de 80% de femmes) et patients sont souvent victimes de représentations du fait du handicap invisible et d’une grande errance médicale (moyenne d’âge de diagnostic à 30 ans pour les femmes et 20 ans pour les hommes).

Nous, association de patients atteints du syndrome d’Ehlers-Danlos et d’un trouble du spectre de l’hypermobilité, dénonçons la publication de ce PNDS porté sur des objectifs de course à la recherche génétique et de réduction des coûts du système de santé, au détriment de la prise en soin du patient, ainsi que l’exclusion de 80% des patientes et patients.

De la publication officielle à la réalité des patients

Officiellement, la Filière française maladie rare a ainsi traité le problème des patients SEDnv. Dans la réalité, ce sont des êtres humains qui sont condamnés à des parcours de vies terribles, à des hospitalisations régulières associées à de la maltraitance (par absence de diagnostic, par refus de soins adaptés ou par traitements invasifs inadaptés), à des aggravations, à l’impossibilité de faire des études ou de travailler, car insuffisamment pris en charge sans parler de l’isolement d’une maladie « dans la tête » puisque non diagnostiquée.
Finalement, des vies seront gâchées et le tout, à des coûts bien supérieurs pour la communauté citoyenne : chômeurs de longues durées, invalidité, rupture sociale. Nous alertons les autorités compétentes car nous pourrions d’ores et déjà invoquer une « perte de chance » au sens que lui donne le Code de Santé Publique.

Une prise en soin effacée par les objectifs de la recherche génétique et de réduction des coûts de la CPAM

En 2017, The American Journal of Medical Genetics a publié ce qu’on appelle « la classification de New York », de nouveaux critères diagnostiques cliniques permettant de délimiter une cohorte très restreinte de patients atteints du Syndrome d’Ehlers-Danlos pour mener à l’identification du gène en cause (on ne le connaît pas à ce jour et certains spécialistes avancent qu’il s’agirait de plusieurs gènes). Cette nouvelle classification a pour objet de faire avancer la recherche génétique et le travail des généticiens en isolant les cas les plus typiques génétiquement. Une fois identifié pour la cohorte, le patient est soumis à des tests génétiques en vue de la recherche. Les patients exclus de ces nouveaux critères soit 80% des patients (alors même qu’ils entraient dans les anciens critères de classification des décennies précédentes et qu’ils ont toujours les mêmes difficultés physiques, cognitives et sociales) entrent désormais dans la catégorie d’un « Trouble du spectre d’hypermobilité ». Le consortium à l’origine de la publication ainsi que la très puissante association de patients américaine « The Ehlers Danlos Society » affirme cependant que les patients de ces deux groupes doivent recevoir les mêmes soins.

Particularité française, la filière maladie rare ne prendra en charge et en soin que les patients SEDnv. Les 80% restants, ces « Troubles du spectre de l’Hypermobilité » devront être diagnostiqués et pris en charge en médecine générale (alors que leur pathologie est inconnue de la plupart des médecins et non enseignée, très souvent banalisée et balayée d’un revers de main) et ne bénéficient d’aucune recommandation de prise en soin. Cela permet de conserver le Syndrome d’Ehlers-Danlos dans la case administrative française « maladie rare », de masquer la réalité de sa prévalence et surtout de son coût.

Autre particularité française : le diagnostic du trouble du spectre de l’hypermobilité peut être réalisé par tout médecin or le « SED » doit être éliminé pour poser le diagnostic d’un trouble du spectre de l’hypermobilité cependant seuls les médecins des centres de référence et de compétence sont dits compétents pour diagnostiquer ou éliminer un SED. Les 80% de patients souffrant du spectre d’hypermobilité ne sont pour la plupart pas reçus en centre de référence car ils sont trop nombreux pour être accueillis dans de telles structures. Nous dénonçons une situation kafkaïenne !

Les critères de classifications de New York avaient pourtant été volontairement simples afin que tout médecin puisse les identifier ! La durée d’obtention d’une consultation dans ces centres de référence était de deux ans avant la publication du PDNS. Que sont censés faire des patients qui ne peuvent plus marcher ou plus travailler en attendant ? Qu’en est-il de leur isolement social et d’une détérioration de leur état du fait de l’absence de prise en soin ?

Des parcours diagnostiques ubuesques et maltraitants

Les patients doivent naviguer, chercher, attendre :
– Centres de compétence n’acceptant en consultation que les personnes de leur département
– Centres de compétence n’ayant pas de référent pour le diagnostic des adultes
– Centre de référence adulte qui n’accepte que les personnes de la région parisienne alors même qu’il n’existe aucun centre de compétence dans le Nord de la France et que ceux de l’ouest ferment ou ont des délais inacceptables
– Centres de compétences qui ferment ou qui changent de responsable, sans que les coordonnées ne soient mises à jour sur les listes dites officielles
– Centres de compétence avec des médecins responsables qui n’appliquent pas les critères eux-mêmes imposés par les centres de référence
– Centre de compétence inactif en raison de la crise sanitaire.

Il s’agit d’une logique de parcours contraire au droit du patient de choisir son médecin prévu par la Loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé codifié à l’article L 1110-8 du Code de la Santé Publique. Cet article prévoit la possibilité pour la CPAM de déroger à cette liberté « en considération des capacités techniques des établissements » or dans ce cas des milliers de patients sont dirigés vers des centres déjà incapables de répondre à la demande alors qu’ils étaient suivis et pris en charge par des cliniciens experts de la maladie.

Des décisions inadmissibles sont prises par certains médecins-conseils des CPAM sous couvert d’un non diagnostic en centre de référence ou de compétence. Combien de patients devront se voir priver de leurs indemnités journalières d’arrêt de travail en raison d’un diagnostic dit non officiel ? En quoi un lieu de diagnostic change-t-il la problématique et la situation médicale du patient et ses incapacités ? Un état douloureux incapacitant reste un état douloureux incapacitant qu’il soit étiqueté HSD ou SED, qu’il soit indiqué comme invalidant en centre de compétence ou par un médecin libéral généraliste !

La recherche génétique française a réorienté le soin et sa prise en charge et s’est allié aux problématiques de réductions des coûts de la CPAM. Les cliniciens autrefois référents en ont été évincés. Ainsi le soin comme la prise en charge sanitaire, sociale et administrative des patients a été substitué par la recherche génétique de données de santé de masse et s’est organisé autour au détriment de patients en situation de handicap dont l’exclusion peut avoir des conséquences mortelles (si le diagnostic n’est pas posé, il y a de gros risques d’absence de prise en soin adaptée, par exemple, lors d’opérations chirurgicales ces patients ont un risque accru d’hémorragies ou de perforation devant être connus de l’équipe soignante).

 

Des traitements illogiques ou non pris en charge : un patient sans soin

Les critères de classification de la publication de 2017 sont eux posés d’après des avis d’experts, le plus bas niveau de preuve médical. Le PNDS se fonde sur ces avis pour élaborer des critères diagnostiques mais rejette tous les traitements issus d’études observationnelles (un niveau de preuve scientifique plus élevé), recommandés internationalement et utilisés depuis longtemps sur les patients.

Toutes ces études observationnelles attestent qu’ils soulagent les malades.
Comment peut-on exiger une approche par la preuve, dans un contexte de maladie rare où aucun moyen humain ou financier n’est mis à disposition de la prise en soin des patients (à différencier des financements de la recherche génétique) ? Ces traitements avaient été mis en œuvre par des médecins cliniciens démunis devant la souffrance des patients en errance médicale et soumis à d’intenses douleurs, des subluxations/luxations à répétitions, un épuisement chronique ou des crises de dystonies.

Le PNDS « ne recommande pas » la majorité des traitements reconnus internationalement aux patients et n’autorise pas les cliniciens à tenter une quelconque solution thérapeutique, sauf à prendre, eux, des risques (hors AMM) et à faire peser le coût de ces traitements sur les patients.
Malheureusement, ces patients étaient bien mieux pris en soin antérieurement, car, au moins, les médecins qui les suivaient au plus près pouvaient les accompagner et les soulager.
Nous soulignons que ces traitements non recommandés par le PNDS par manque de démonstration de leur innocuité sont déjà largement étudiés et utilisés dans d’autres indications, parfois à des doses bien plus importantes que celles prescrites pour les symptômes des SEDnv. Il ne s’agit pas de traitements inconnus et obscurs sur lesquels le corps médical n’a pas déjà un certain recul.

Dans un contexte sanitaire tendu et un système de soin éreinté par la crise du Covid-19, nous sommes affligés de la publication d’un tel protocole à l’origine non pas d’une meilleure prise en soin mais d’une plus grande exclusion de patientes et patients. Nous dénonçons la mise en œuvre de cette stratégie de recherche génétique et de réduction des coûts au détriment des patients et demandons une prise en charge effective de tous les patients atteints de SED et syndrome d’hypermobilité, quelle que soit la « case » dans laquelle ils se trouvent et l’intérêt de la recherche génétique.

 

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Comments

11

  • Katarzyna Bujno

    J’ai fait un parcours très long. On m’a envoyé au centre de Garche. Là, j’ai dû donner les lettres et des documents confirmant que je qualifie pour un rendez-vous chez eux. Après presque 3 ans (!) d’attente j’ai reçu un message qu’ils ne m’ont pas qualifié pour le rendez-vous et je dois chercher un centre de comptétence et attendre encore une fois pendant des années. C’est innacceptable, notamment en France qui est un des pays le plus riches dans le monde.

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    • Marie-Elise NOËL

      Merci pour votre témoignage. Oui, le système est maltraitant actuellement. Une nouvelle labellisation de centres de compétence aura lieu en 2023, mais nous craignons qu’il n’y ait que peu d’améliorations… Les centres de compétence sont mal répartis, avec des délais d’attente irréels.

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  • Déjà 2 ans d’attente pour un RDV au centre de diagnostic de Poitiers et on me dit que je n’aurais peut-être jamais celui-ci car le médecin référent par bientôt en retraite 😭. Cela fait déjà au moins 15 ans qu’on me pose des diagnostics différents sans jamais prendre réellement en compte mes douleurs et mes soucis de santé.je ne comprend pas que l’on puisse pas demander les examens nécessaires à diagnostiquer a son médecins traitant et voir le spécialiste si cela se révèle être ça ?????

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    • Marie-Elise NOËL

      Bonjour. Effectivement, Poitiers est peu accessible actuellement. Vous pouvez nous contacter par mail à contact@sedinfrance.org pour que nous essayons de vous orienter vers des médecins à l’écoute qui pourront vous aider.

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  • Je suis de Lille et aucun centre de référence ne veux me prendre en charge.
    J’ai été reçu au centre anti douleur du CHR de Lille par un médecin et une psychologue et la conclusion est qu’ils ne croient pas à l’existence du SED, que rien n’est scientifique et que tous mes symptômes sont dans ma tête…
    Que faire après ça??
    Je suis complètement désespérée…

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    • Marie-Elise NOËL

      Bonjour Noémie. Les centres de référence et de compétence ne font pas de suivi ou de prise en soins. Ils posent le diagnostic et parfois, conseillent des orientations pour la prise en soins.
      Le mieux est de nous contacter par mail à contact@sedinfrance.org en nous expliquant votre situation pour que nous puissions essayer de vous orienter vers des professionnels adaptés.

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  • prise en soin trop éloignée…donc impossible, et la secrétaire de la clinique qui balance “c’est que vous ne souffrez pas assez, vous refusez le traitement”
    faire 700kms dans une journée pour la pose d’un cathéter permettant la perfusion de produits antalgiques en intra-veineux….voilà ce que mon fils refuse.
    tout simplement il aimerai que cela soit simplement réalisable dans sa région o* il y a plusieurs cliniques, hôpitaux et 2 centre antidouleur, 1 public l’autre privé, mais ni l’un ni l’autre ne connaissent et prennent en charge le SED, dont i la malchance de souffrir. Hier matin une infirmière est venue chez lui pour poser une perfusion….elle y parvient au bout de 5 tentatives, son bras n’est plus qu’un hématome géant. Après cette aventure, chute de tension, systolique à 6, la diastolique non audible, vomissements, déshydratation, du aux effets secondaires de l’acupan, finalement elle décide de ne pas prendre la responsabilité professionnelle de poser le produit.
    Réponse de la secrétaire à mon fils “vous n’êtes pas qualifiés, vous n’êtes pas un soignant”. Lui non, effectivement….mais moi, sa mère , si, je suis infirmière et pas une jeune diplômé, plus de 30 ans d’expérience. Je suis atterrée par la violence verbale de la “nana” à l’autre bout du fil.
    en conclusion mon fils se retrouve sans traitement, dans l’attente d’un rendez-vous en visio-consultation au mois de septembre.
    je m’attends à devoir appeler le SAMU, où de l’emmener aux urgences.

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  • valade virginie

    Bonjour, J’habite au nord de la Haute-Garonne: 8 ans d’errance médicale. Un primo diagnostic de fibromyalgie avec névralgie d’Arnold chronique, mis sur le compte du stress. 8 ans à voir toutes sortes de spécialistes, à faire toutes sortes d’examens au fur et à mesure que la symptomatologie s’aggravait. Jamais une vision globale, mais de nombreux “c’est le stress, changez de métier” ; j’ai finalement changé de métier, repris des horaires de bureau (j’étais en 3 x8), assainis mon hygiène de vie (arrêt du tabac), Mais bien sûr, la pathologie a continué à s’installer. Ce qui m’a sauvé, un médecin qui venait de reprendre le Centre de la Douleur d’une Clinique de la région, et qui, il y a 2 ans, au 1er rendez-vous, m’a ausculté, (si, si, il reste des médecins spécialisés qui vous auscultent à priori), a regardé mon dossier en entier, et a même fait des photocopies. Et au bout de 1h de consultation, elle n’a eu aucune hésitation quant au diagnostic. Elle m’a sauvé. Vraiment. Elle a mis en place tout un ensemble de choses, qui me permettent aujourd’hui d’avoir une vie à peu près normale, en étant mère isolée. Il faut maintenant que je me batte pour que ce diagnostic soit reconnu et là ce sera une autre paire de manche… J’avais pourtant pris rdv chez LE spécialiste SED du CHU et après 4 ans d’attente (oui, oui, vous avez bien lu, 4 ans d’attente), le CHU a demandé au médecin d’arrêter les consultations SED et on m’a dit(c’est dommage vous étiez dans les prochains). Et me voilà sur ce site à éplucher la liste des Centres de Référence… Donc oui, le système est maltraitant vis-à-vis des patients, et plus encore quand vous êtes une femme!

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  • J’en peux plus de ces professionnels de santé qui font n’importe quoi et qui disent n’importe quoi. Un médecin expert raconte que le SED ne fait pas mal, le médecin de la douleur en service dans ma ville est très désagréable et ne propose pas de prise en charge, je ne sais plus vers qui me tourner, je n’ai plus de médecin traitant, le dernier que j’ai eu m’a dit de boire des smoothies quand je me suis plainte de maux de ventre, je vois maintenant un médecin à l’hôpital qui a voulu m’envoyer chez le psy parce que je voulais faire un bilan de dyspnée, j’ai dû insister pour avoir une ordonnance pour consulter un pneumologue, comme si mon problème était dans ma tête ! Je n’en peux plus. Je ne suis pas encore diagnostiquée du SED mais je suis sûre que je l’ai, seulement impossible de trouver des médecins à l’écoute et aimables pour prendre en charge.

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    • Marie-Elise NOËL

      Bonjour. Je suis sincèrement désolée de ces expériences désastreuses. Il ne faut pas hésiter à nous contacter par mail à contact@sedinfrance.org et je ferai au mieux pour vous orienter en fonction de mes possibilités et des informations que je peux avoir.

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