Le score de beighton ne devrait pas être un outil diagnostique de l’hypermobilité généralisée

Un nouvel article publié le 18 mars 2021 fait une revue de littérature informelle sur l’utilisation du score de Beighton dans le diagnostic de l’hypermobilité articulaire généralisée et, comme nous le pensons, indique que l’utilisation du Score de Beighton comme outil de diagnostic et notamment comme base d’un diagnostic clinique est problématique et ne devrait pas exister.

Cet article est d’importance car les revues de littérature permettent de savoir exactement quelles sont les preuves en faveur de tel ou tel outil ou tel ou tel argument/technique, etc. Ce sont ces preuves qui sont utilisées pour rédiger les lignes directrices (guidelines) des pathologies, les critères de diagnostic basés sur les preuves, et les protocoles nationaux de diagnostic et de soins en France.
Principal souci de cet article-ci : la revue ne peut être que narrative et non formelle car les études sont trop hétérogènes, que les classifications de l’hypermobilité articulaire généralisée également, et que les valeurs seuils du score de Beighton sont variables selon les études.

Dans cet article seront utilisés les termes :
BS pour score de Beighton
GJH pour hypermobilité articulaire généralisée

 

Traduction de l’Abstract

Le score de Beighton (BS) est un ensemble de manœuvres dans un système de notation en neuf points, utilisé comme méthode standard d’évaluation de l’hypermobilité articulaire généralisée (GJH). Il a été développé à l’origine comme un outil épidémiologique utilisé dans le dépistage de grandes populations pour la GJH, mais a ensuite été adopté comme outil clinique à des fins de diagnostic. Sa capacité à vraiment refléter la GJH reste controversée, car les articulations au sein du système de notation sont principalement du membre supérieur et ignorent la plupart des articulations principales, empêchant une identification directe de la GJH. En outre, une découverte cohérente dans la littérature selon laquelle le BS n’a pas réussi à identifier l’hypermobilité dans les articulations en dehors du système de notation suggère que son utilisation comme indicateur indirect de la GJH n’est pas non plus viable. À ce titre, les résultats collectifs de cette revue démontrent la nécessité d’un changement dans la pensée clinique. Le BS ne doit pas être utilisé comme outil principal pour différencier l’hypermobilité localisée et généralisée, ni utilisé seul pour exclure la présence de GJH. Une plus grande importance devrait être accordée au jugement du clinicien pour identifier ou exclure la GJH, selon sa définition complète.

 

Les arguments contre l’utilisation du Score de Beighton (BS)

 

Le score de Beighton n’a pas été conçu pour le diagnostic

  • Le BS a été conçu initialement en 1964 par Carter et Wilkinson pour définir la GJH afin d’étudier son association avec la luxation congénitale de la hanche. Il a été modifié par Beighton et al. en 1968 pour déterminer l’épidémiologie de la GJH dans une population africaine. Le BS n’a pas évolué depuis lors.
  • Ni Carter et Wilkinson ni Beighton et al. ne fournissent de justification fondée sur des preuves pour la sélection des articulations dans le cadre de cette méthode d’évaluation. Il semble que ces articulations ont plutôt été choisies pour leur facilité d’accès et une efficacité sans nécessiter d’équipement.

 

Les articulations étudiées par le score de Beighton

  • Les deux tiers des articulations évaluées sont situées dans les membres supérieurs et la plupart des articulations principales (hanche, épaule…) sont ignorées, et avec un seul plan de mouvement articulaire mesuré.
  • le BS ne semble pas avoir été validé en examinant son association avec d’autres articulations hypermobiles et sa capacité à détecter véritablement la GJH généralisée chez les adultes.
  • Il a été démontré que le BS n’est pas corrélé à l’hypermobilité des épaules. De plus, le BS peut ne pas nécessairement refléter une instabilité articulaire, comme démontré dans une autre étude qui n’a trouvé aucune relation entre un BS ≥ 6 et l’instabilité de l’épaule. Pourtant l’épaule est particulièrement pertinente sur le plan clinique et Nourrissat et al. ont suggéré que la luxation de l’épaule pourrait même être le premier signe de présentation du SEDh.
  • Un manque de corrélation a également été trouvé entre le BS et la laxité des articulations du membre inférieur (les études se contredisent les unes les autres).
  • La flexion avant du tronc, censée mesurée l’hypermobilité vertébrale, est impactée par les rétractions des ischio-jambiers. La revue indique qu’il “est donc possible que de nombreuses personnes ayant un score inférieur aux valeurs seuil de diagnostic actuelles soient privées d’un diagnostic en raison de la présence de telles rétractions musculaires, ce qui soulève à nouveau des préoccupations concernant la validité du BS à des fins diagnostiques.”. Une étude a conclu que si cette manœuvre a une spécificité élevée (93,7%), sa sensibilité est si faible (13,8%) qu’elle n’ajoute aucune valeur supplémentaire au BS.
  • Il est de plus en plus reconnu qu’il existe une relation entre la GJH et le SEDh et les TMD (troubles de l’articulation temporo-mandibulaire). La plupart des études examinant cette relation ont montré que la prévalence de la GJH était plus élevée dans la population TMD que chez les témoins normaux, cependant cette relation n’est pas traduite par des corrélations directes entre GJH (BS>4) et hypermobilité de la mâchoire.

 

La valeur seuil considérée pour l’hypermobilité généralisée

  • La GJH est généralement indiquée par un score ≥ 4/9 chez les adultes, les auteurs ne trouvent aucune justification fondée sur des preuves pour l’utilisation de cette valeur seuil. Notons que dans les critères de diagnostic du SED, le consortium international a déterminé une valeur seuil de 5/9 pour les 12-50 ans, et ce, sans aucune justification fondée sur les preuves non plus…
  • L’article précise “L’utilisation continue du BS comme outil de diagnostic clinique, en particulier dans la classification internationale 2017 des SED pour le diagnostic de SED hypermobile (SEDh), reste donc controversée car elle était à l’origine conçue comme un outil de dépistage. Malgré cela, aucun examen ni examen approfondi de ses propriétés cliniques n’a encore été effectué.”
  • Si la valeur seuil est augmentée davantage pour des populations spécifiques afin d’éviter un “surdiagnostic”, les personnes présentant une véritable GJH peuvent être empêchées d’un diagnostic précis sans les articulations hypermobiles supplémentaires nécessaires pour atteindre le seuil élevé.
    “Des préoccupations éthiques surgissent alors également, s’il apparaît qu’un diagnostic est limité pour répondre à un taux de prévalence spécifique, plutôt que de refléter la présentation physiologique d’une condition.”. Notons que c’est exactement ce qui a été fait pour le SEDh dans les critères de New-York…

 

Les variations possibles du score de Beighton

  • Le BS est un système “tout ou rien” : les articulations présentant une hypermobilité limite sont laissées ouvertes à l’interprétation sur sa notation par différents examinateurs ou à différentes occasions.
  • Diverses études ont montré que l’hypermobilité est diminuée du côté dominant du corps.
  • Il a été démontré que l’étirement et l’échauffement augmentent l’amplitude de mouvement normale articulaire ; tandis que la température, à la fois la chaleur et le froid, ont été montrés pour affecter la flexibilité des tendons et des ligaments, influençant finalement l’amplitude de mouvement articulaire.

 

Faux positifs et faux négatifs

  • Pour que cela soit cliniquement utile, un résultat négatif au BS devrait exclure la présence d’une maladie de manière effective. Or la revue présentée a soulevé des inquiétudes quant à la capacité du BS à le faire. Des personnes peuvent recevoir un résultat BS négatif, mais peuvent pourtant présenter une hypermobilité articulaire dans des articulations non prises en compte par le système de notation et donc peuvent répondre à la définition d’un GJH. La sensibilité de la BS n’est donc pas suffisante pour exclure la GJH chez les individus.
  • De faux positifs sont également possibles car un BS peut être validé avec une hypermobilité localisée aux membres supérieurs. Le BS ne semble pas être un outil suffisamment spécifique pour différencier l’hypermobilité généralisée ou localisée et permettre une délimitation efficace de la GJH.

 

L’article en open acces

L’article est disponible et donc accessible aux traducteurs du net : https://link.springer.com/article/10.1007/s00296-021-04832-4

Malek2021_The_Beighton_Score_As_A_Measure_Of_Generalised_joint_hypermobility

Vous aimerez aussi

16 SEPTEMBRE 2024

Nouvelle labellisation 2024...

Publication mise à jour le 14 novembre 2024. Faisons un petit récapitulatif pour ceux...

11 MARS 2024

Le cadre diagnostique 2023...

Le diagnostic du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile (SEDh) et des troubles du...

7 DéCEMBRE 2022

HSD et SEDh : quelles sont...

La question de la différence entre Syndromes d’Ehlers-Danlos hypermobile (SEDh) et...

13 SEPTEMBRE 2021

Le parcours diagnostique en...

On vous suspecte un SED ou vous suspectez vous-même un SED pour vous ou votre enfant...

12 MAI 2021

L’hypermobilité et les...

Qu’est-ce que l’hypermobilité articulaire ? L’hypermobilité...

10 MAI 2021

Les critères de diagnostic...

Le diagnostic du SEDh est un diagnostic clinique puisqu’il n’existe pas encore de...

Laissez un commentaire !