Gestion de la fatigue et régulation des activités

La fatigue importante due au SED peut être un facteur de douleur et de blessures. Il a été prouvé que l’exercice jusqu’à la fatigue physique altère les mouvements, la stabilité posturale et la coordination, ce qui peut augmenter le risque de blessures directes et également le risque de chutes causant des blessures secondaires. La fatigue est également associée à une réduction de la force réactive au sol pendant la marche, suggérant une diminution de la proprioception, ce qui pourrait également augmenter le risque de chutes et de blessures :

Fatigue may also be a factor in musculoskeletal pain and injury. Exercise to the point of physical fatigue has been shown to alter kinematics, postural stability, and coordination, which may increase the risk of direct injury and also the risk of falls causing secondary injury. A study of 30 EDS patients, five of whom had hEDS, showed correlation between fatigue and objectively measured muscle weakness. Exercise-induced fatigue increases knee laxity, which may also increase the risk of knee injury. Fatigue is also associated with reduced ground reactive force during gait, suggestive of decreased proprioception, which could also increase the risk for falls and injury. Severity of fatigue also correlated with kinesiophobia in hEDS and, therefore, became an activity-limiting factor.

Tinkle et al., 2017



La gestion des symptômes et de la fatigue est donc très importante dans le niveau de qualité de vie. Il n’existe pas de solution simple mais de petites adaptations pouvant aider à acquérir des compétences essentielles à cette gestion.

Eviter le “Boom and Bust”

Les personnes souffrant de douleur chronique ont tendance à tomber dans des schémas d’activité qui exacerbent leurs symptômes. Le cycle « Boom and Bust » (Suractivité/hypoactivité) fait partie de ces schémas et est bien connu dans le cadre du Syndrome de Fatigue Chronique.
Il s’agit d’enchaînements de périodes d’activité intense avec des périodes de faible activité pour récupérer. De façon schématique, lors d’un bon jour, le patient est en suractivité ; cela occasionne un mauvais jour pendant lequel le patient est en sous-activité.

Exemple

Lundi : je me sens bien alors je pousse mes limites et suis très actif ;
Mardi : je me sens mal, donc je reste au lit… ;
Mercredi : je ne me sens toujours pas bien mais j’ai un jour de retard dans mes activités, je dois donc rattraper ce retard ;
Jeudi : je me sens vraiment mal alors je me remets au lit … je suis frustré… ;
Vendredi : j’essaie vraiment très fort mais je ne peux pas… je n’arrive plus à forcer ;
Samedi : je suis totalement épuisé et douloureux, même rester éveillé est un défi ;
Dimanche : après un bon repos, je commence à me sentir un peu mieux…
➡ Donc à la fin de la semaine, je suis allé au bout de mes limites et je dois pourtant retrouver mon énergie et me préparer pour recommencer le lundi… ‼‼


Ceci est un exemple. Certaines personnes ne suivront pas un schéma aussi structuré sur une semaine. Certaines peuvent passer de l’un à l’autre en quelques heures, d’autres d’un mois sur l’autre.
Au fur et à mesure, les pics d’activité se réduisent ; les périodes de repos deviennent de plus en plus longues. Cela contribue à des cycles de déconditionnement et entretient les cycles vicieux de douleur et de fatigue.
Cela peut aider à court terme mais cela n’aidera pas sur le long terme. Au final, le contrôle de la douleur et de la fatigue est pauvre.


It is extremely important for people with symptomatic hypermobility to manage their fatigue by learning to pace the amount of activity they do, thus avoiding cycles of ‘boom or bust’. By the time they are diagnosed some people may have already learnt to limit how much they do each day, in order to make sure they have sufficient energy reserves to get through the following day. However, many do not and, instead, make the mistake of doing as much as they can ‘when they are feeling up to it’ and then paying for it by ‘crashing’ later, or the following day.

Eds.info

Il est extrêmement important pour les personnes souffrant d’hypermobilité symptomatique de gérer leur fatigue en apprenant à réguler la quantité d’activité qu’elles font, évitant ainsi les cycles de «boom and bust» (suractivité/hypoactivité). Au moment où ils sont diagnostiqués, certains patients ont peut-être déjà appris à limiter leurs activités quotidiennes, afin de s’assurer qu’ils disposent de réserves énergétiques suffisantes pour passer le lendemain. Cependant, beaucoup ne le font pas et, au lieu de cela, font l’erreur de faire tout ce qu’ils peuvent “quand ils se sentent à la hauteur” et ensuite de le payer en “s’écroulant” plus tard, ou le jour suivant.

Favoriser la Gestion / Régulation

Il faut rythmer, gérer. On parle de « Pacing ». La régulation (Pacing) est une stratégie active d’autogestion dans le cadre de laquelle les individus développent leur auto-efficacité en apprenant à équilibrer les temps consacrés à l’activité et au repos dans le but d’atteindre une fonctionnalité accrue (Jamieson-Lega et al., 2013).
La régulation passe par l’apprentissage d’une notion très importante :

Il faut s’arrêter AVANT la majoration de la douleur ou de la fatigue !



Pour cela, le patient doit revoir ses « baselines », c’est-à-dire ses « bases de tolérance ». Si le patient sait que rester debout pendant 20 minutes fait flamber ses douleurs, alors sa nouvelle base de tolérance sera de 10 minutes. Ces bases ne sont pas toujours fixées sur la notion de temps, cela peut également être une répétition d’activité, par exemple. Les bases de tolérance doivent absolument être basées sur des mauvais jours, quand les activités sont limitées.

Il est important de ne pas confondre « se réguler » avec « ne pas bouger ».
La clé de la gestion de la fatigue est d’établir une base de tolérance d’activité qui peut être répétée chaque jour sans majoration des symptômes. Cette base ne correspond pas forcément à une journée sans symptômes, mais bien à une journée où ceux-ci ne sont pas plus importants qu’habituellement. Cette dernière notion est très importante à comprendre par le patient.

It is important not to confuse ‘pacing yourself’ with not exercising at all. The key to management of fatigue is to establish a baseline level of activity that can be repeated each day with no exacerbation of symptoms. It is important that the patient understands that this does not necessarily equate to a symptom-free day.

EDS.info

La structuration, l’organisation

Il est important d’apprendre à structurer sa journée :
– Se rappeler de l’activité du jour (intense, modéré, relaxant/léger) ;
– Organiser sa semaine en coupant de longues périodes d’activité intense par des activités relaxantes ;
– Insérer un peu d’activités intenses au milieu des longues plages d’activités légères ;
– Penser en termes de priorités : est-ce que cela DOIT être fait ?
– Introduire des temps de repos dans la routine quotidienne.
Tout cela doit être adapté à chaque individu en termes de fréquence, de durée et de type d’activité :

As part of pacing, rest periods may be required. Rest periods can be introduced into daily routine, but the frequency, length, and types of activities undertaken should be adapted for each individual.

Hakim et al., 2017

Par la suite, une fois que la routine est stabilisée, le patient peut se fixer un objectif réaliste pour augmenter les bases de tolérance (10% à 20%). Il est indispensable de laisser le temps à son corps de s’adapter à chaque niveau avant d’augmenter encore. Les augmentations de rythmes doivent être routinières, lentes et stables.

« Je suis trop occupé pour gérer»
« Comment je pourrais gérer avec des enfants qui me sollicitent sans cesse ? »
« Je ne peux pas gérer au travail»

Voilà ce que de nombreux patients diront ou penseront. La régulation des activités n’est pas une méthode facile à apprendre. Elle ne fonctionne pas avec tout le monde, même si cela fonctionne avec la plupart. Des difficultés internes entrent en compte : la frustration, les attentes personnelles, le manque d’assurance, la prise de poids ; des difficultés externes également : environnement, travail, attente des autres personnes, exigences de la tâche…

Des outils

Afin de mener à bien cette gestion des activités, il sera essentiel de s’attarder sur la relaxation et la gestion du sommeil. Relaxation et méditation peuvent être des outils appropriés de ré-énergisation. Les conseils habituels pour une bonne hygiène de sommeil sont importants à appliquer.
Reconnaitre les différents types de facteurs stressants est également un apprentissage à effectuer.
Lorsque les patients avec fatigue modérée ou sévère ne répondent pas aux traitements, des adaptations autres et des équipements tels que le fauteuil roulant peuvent être considérés comme une part non négligeable du plan de traitement :

For people with moderate or severe fatigue that has not responded to treatment, equipment and adaptations (e.g., a wheelchair) should be considered as part of the management plan, after assessing the risks and benefits for the individual patient. Such adaptations may be valued ways of gaining more independence and improving quality of life.

Hakim et al, 2017

Selon le Professeur Hamonet, le fauteuil roulant jouit d’une mauvaise réputation et est très souvent considéré comme le symbole d’un échec. Il s’agit plutôt d’une aide au déplacement très utile à certains moments de la vie d’une personne avec un SED. L’indication la plus fréquente est la fatigue trop importante, en sus des douleurs et des troubles du contrôle moteur. Le fauteuil est alors très utile dans une phase de crise pour permettre de poursuivre la scolarité, le travail, ou de se promener en famille.

Une hypothèse intéressante

Enfin, la théorie de Dr Alan Pocinki est très intéressante à étudier :

The autonomic nervous system regulates all body processes that occur automatically, such as heart rate, blood pressure, breathing, and digestion. To compensate for stretchy blood vessels and increased venous pooling (too much blood collecting in over-stretched veins) most people with hypermobility appear to make extra adrenaline, which may account for the high-energy, always-on-the-go lifestyles of many hypermobile people. Unfortunately, if you get too tired, your body responds by making more adrenaline, so you keep going, not realizing how tired you really are. It appears that as you get more and more run down, your body gets more sensitive to adrenaline, so the small amount you have left can produce the same response a larger amount used to, so you still don’t feel tired even when you are. Even when you do feel tired, you may continue to “push through” the fatigue, collapsing when the adrenaline wears off. Years of not feeling, ignoring, or pushing through fatigue may be one factor in the development of illnesses like chronic fatigue syndrome.

Dr Alan Pocinki MD, PLLC 2010, in eds.info

Selon lui, le système nerveux autonome régule tous les processus corporels qui se produisent automatiquement, comme la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la respiration et la digestion.
Pour compenser les vaisseaux sanguins extensibles et la concentration veineuse accrue (trop de sang recueilli dans les veines sur-étirées), la plupart des personnes hypermobiles semblent produire de l’adrénaline supplémentaire, ce qui peut expliquer le mode de vie énergique et toujours actif de nombreux patients SED. Malheureusement, lorsque les personnes hypermobiles sont trop fatiguées, leur corps réagit en faisant plus d’adrénaline, alors elles continuent, ne réalisant pas à quel point elles sont vraiment fatiguées. Il semble que lorsque ces patients deviennent de plus en plus épuisés, leur corps devient plus sensible à l’adrénaline, donc la petite quantité qui reste peut produire la même réponse qu’une plus grande quantité, de sorte qu’ils ne se sentent toujours pas fatigué même quand ils sont épuisés.
Si, même lorsque ces patients se sentent fatigués, ils continuent à « forcer » coûte que coûte, un effondrement aura lieu lorsque l’adrénaline se dissipera.
Des années à ne pas ressentir, ignorer ou pousser la fatigue peuvent être un facteur dans le développement de maladies comme le syndrome de fatigue chronique.

Sources
– Eds.info. Fatigue and EDS-H/JHS. Retrieved from https://www.edhs.info/about1-c1ah1
– Hakim A, De Wandele I, O’Callaghan C, Pocinki A, Rowe P. 2017. Chronic fatigue in Ehlers-Danlos syndrome – hypermobile type. Am J Med Genet 175C :175-180 (Espace pro)
– Hamonet C. La maladie d’Ehlers-Danlos et le fauteuil roulant. Mise au point express. Retrieved from http://claude.hamonet.free.fr/fr/sed_fauteuil-roulant.htm
– Jamieson-Lega K, Berry R, Brown CA. 2013. A concept analysis of a chronic pain intervention. Pain Res Manag 2013; 18(4):207-2013
– Parry J. 2017. Practical Pacing and Fatigue Management.
– Tinkle B, Castori M, Berglund B, Cohen H, Grahame R, Kazkaz H, Levy H. 2017. Hypermobile Ehlers–Danlos syndrome (a.k.a. Ehlers–Danlos syndrome Type III and Ehlers–Danlos syndrome hypermobility type) : Clinical description and natural history. Am J Med Genet Part C Semin Med Genet 175C:48–69.(Espace Pro)

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Comments

5

  • Hélène

    Merci pour cet article qui propose des pistes intéressantes, tant pour comprendre ce qui nous arrive que pour apprendre à faire avec sans sombrer ! C’est sûr que notre environnement quotidien ne nous laisse pas toujours la maîtrise des plages de repos et d’activité plus intenses… Parfois, c’est l’arrêt de travail qui offre seul un peu de latitude pour organiser un nouveau rythme plus adapté.

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    • Marie-Elise NOËL

      Il est difficile de trouver un juste équilibre, oui. Il semble par contre important que ce soit toujours un objectif, même si ce n’est pas de suite réalisable, car une fatigue non gérée majore considérablement les douleurs et la souffrance générale.

      Répondre
  • Sylvie MAHIEU

    Merci pour cet article qui met les mots (et les maux) justes et en détail sur ce que je ressens au quotidien de manière variable, confuse, souvent imprévisible… que je n’arrive donc pas à gérer pour l’instant et à décrire clairement… mon esprit s’embrouille aussi.
    J’ai été diagnostiquée il y a 6 mois.

    Je pense que cela va m’aider à reconnaitre et accepter mon état tel qu’il est sans vouloir, par habitude, forcer encore et toujours “la machine”.
    C’est un peu comme si l’article m’avait dit “je vous crois”. Cette sacrée reconnaissance venant de l’extérieur qui soulage, réconforte et peut “donner des ailes” pour atteindre l’objectif !
    Il me semble que le confinement m’a aidée à me rapprocher du juste équilibre pour moi.
    Par la force des choses, j’ai donc relâché la pédale d’accélérateur sans devoir subir la pression sociale du “faire toujours plus” puisque le confinement était obligatoire.
    Fonctionner à un rythme lent, certes, mais plus adapté à mes capacités actuelles, enfin !!
    Avec toujours en ligne de mire, l’objectif du juste équilibre…

    Répondre
    • Bonjour, vous avez été diagnostiqué comment et par qui svp ? Je suis en re herche de diagnostic pour moi. Merci d’avance ☺️

      Répondre
      • Marie-Elise NOËL

        Bonjour. La question ne doit pas être celle-ci, mais plutôt quelle est votre situation actuelle, ce qui vous fait penser à cette pathologie, quelles consultations vous avez déjà faites et où habitez-vous … Vous pouvez nous contacter par mail à contact@sedinfrance.org pour que nous puissions vous orienter au mieux avec ces détails.

        Répondre

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